Ce qui s'est passé il y a 306 ans :
2 octobre 1700
Le roi d'Espagne Charles II fait son testament. Moribond depuis sa naissance, il n'était plus qu'un « cadavre dans son lit » en cet automne 1700. Toute l'Europe guettait, haletante : le roi d'Espagne n'avait pas d'héritier direct. Qui allait recueillir l'immense empire espagnol, où le soleil ne se couchait jamais ?
Le 2 octobre, Charles II se décida à faire son testament. Il instituait pour son héritier universel son petit-neveu, le duc d'Anjou, fils du Grand Dauphin. Ce petit-fils de Louis XIV avait du sang espagnol à la fois par sa grand-mère, la reine Marie-Thérèse, épouse du Roi-Soleil, soeur de Charles II, et par son arrière-grand-mère, Anne d'Autriche, femme de Louis XIII, fille de Philippe III. Par cette décision, le feu allait être mis à l'Europe, mais le roi Charles ne s'en doutait pas. En paix avec sa conscience, il rendit son âme à Dieu le vendredi 1er novembre.
Louis XIV hésita. Accepter le testament, c'était assurément s'engager dans une longue guerre d'issue incertaine. Anne et Marie-Thérèse d'Autriche, en venant régner en France, avaient renoncé à tous leurs droits sur la couronne d'Espagne. Il n'en était pas de même pour les infantes - infantes cadettes, il est vrai - mariées à des princes autrichiens. L'empereur Charles, dans les veines duquel coulait autant de sang espagnol que dans celles du Grand Dauphin, se considérait comme seul héritier et désirait voir s'asseoir sur le trône espagnol un archiduc. Le Roi-Soleil réfléchit trois jours, puis, le 12 novembre, informa le gouvernement de Madrid qu'il acceptait le testament de son beau-frère Charles. Et ce fut la scène célèbre du 16 novembre 1700. Après son lever, il apparut au seuil de la Galerie des Glaces, ayant son petit-fils à ses côtés. Les courtisans balayèrent le parquet ciré de leur chapeau, tandis que s'élevait, haute et ferme, la voix du roi : « Messieurs, voici le roi d'Espagne ; la naissance l'appelait à cette couronne ; toute la nation l'a souhaité et me l'a demandé instamment, ce que je lui ai accordé avec plaisir : c'était l'ordre du ciel. » Puis, se tournant vers le nouveau roi, il ajouta : « Soyez bon Espagnol, c'est présentement votre premier devoir, mais souvenez-vous que vous êtes né Français pour entretenir l'union entre les deux nations ; c'est le seul moyen de les rendre heureuses et de conserver la paix à l'Europe. »
La décision du roi déclencha une guerre de douze années. C'est à Utrecht, où se réunirent les ambassadeurs des belligérants, que s'acheva la tuerie. La mort avait à plusieurs reprises abbatu sa faux autour du vieux Roi-Soleil et avait rapproché du trône de France l'ex-duc d'Anjou, devenu Philippe V d'Espagne. En 1712, l'héritier du trône de France se trouvait être l'arrière-petit-fils de Louis XIV, un frêle enfant de deux ans et demi. Pour conserver son royaume, le duc d'Anjou, Philippe V d'Espagne, non sans se faire prier et contraint par son grand-père, abandonna pour lui et ses descendants tous ses droits à la couronne de France. La décision, prise à contrecoeur par le roi Philippe, fut enregistrée dans les Parlements, en France, puis dans les Cortès, en Espagne.